Par Gail Kaneb
J’ai été élevée dans une famille unie. Nous n’étions pas riches, mais mes parents s’efforçaient constamment de s’impliquer dans des projets qui feraient une différence dans la vie des autres. Ils présidaient des clubs philanthropiques, menaient d’énormes campagnes régionales de collecte de fonds pour la leucémie, et des campagnes locales pour construire la bibliothèque de notre école. À l’âge de 12 ans, j’aidais partout où je le pouvais. J’ai grandi en voyant l’importance de donner de son temps, de son talent et de son argent pour créer des effets concrets et avoir un impact positif à l’échelle globale.
Lorsque mon mari Tom et moi avons vendu l’entreprise pétrolière familiale, nous avons eu notre première opportunité de pouvoir redonner de manière importante. En 2007, nous avons créé une fondation familiale. Au début, nous nous sommes concentrés sur l’automisation économique, en
particulier celle des femmes dans le domaine de la microfinance, car les données étaient claires : lorsqu’une femme gagnait de l’argent, elle l’utilisait pour se nourrir, se vêtir et éduquer ses enfants, et cela améliorait sa condition ainsi que sa position au sein de la communauté.
Mais nous nous sommes vite rendu compte que la microfinance attirait déjà beaucoup de fonds. Tom et moi nous sommes mis à la recherche d’un projet moins connu mais tout aussi solide dans lequel notre argent et nos compétences auraient un impact encore plus important. Je ne savais pas exactement ce que je cherchais, mais je savais que je le reconnaîtrais dès que je le trouverais.
C’est alors que j’ai rencontré Molly Melching, la fondatrice de l’organisation à but non lucratif Tostan, une organisation qui, j’ai appris, avait trouvé un moyen de mettre fin au mariage des enfants et à l’excision en Afrique. Je ne pouvais pas imaginer qu’on puisse abolir ces pratiques, car je les pensais enracinées et qu’il n’était pas possible de faire quoi que ce soit à ce sujet. Après avoir rencontré Molly et passé du temps avec elle, je suis devenue très inspirée et motivée. Dans le cadre de ma vie professionnelle, mon travail quotidien consiste à gérer le changement. Lorsque j’ai demandé à Molly comment ils arrivaient à mettre fin à ces pratiques, tout ce qu’elle m’a répondu correspondait exactement à ce que je connaissais au sujet de la création de changements dans les entreprises, la grande différence étant que Molly, pour sa part, était en train d’enclencher des changements dans des communautés, des régions et même des nations entières.
Lorsque ma famille et moi examinons les programmes que nous souhaitons financer, nous recherchons toujours des organisations solides dotées de dirigeants forts qui mettent en oeuvre des solutions simples, innovantes et évolutives à des problèmes de longue date que personne d’autre n’a encore été en mesure de résoudre. De plus, la taille de l’organisation à soutenir est une considération importante. Notre fondation est bien financée, mais nous n’avons certainement pas les ressources nécessaires pour faire évoluer ou transformer une organisation bien établie qui amasse déjà des centaines de millions de dollars. Notre fondation familiale peut cependant faire une grande différence pour une organisation de la taille de Tostan. Molly et Tostan nous convenaient donc parfaitement.
En 2008, nous nous sommes engagés à financer le Programme de Renforcement des Capacités Communautaires (PRCC) de Tostan dans dix villages du nord du Sénégal. Dans le cadre de ce programme, une animatrice locale se rend dans une communauté pendant trois ans pour discuter ensemble avec tous les membres de la communauté des droits humains et de la démocratie, de la santé et de l’hygiène, et de la résolution de problèmes. Dans le cadre du module de résolution des problèmes, l’animatrice leur demande de déterminer quelles sont les pratiques qui les rapprochent de leurs objectifs communs et de leur vision de bien-être et celles qui les en éloignent. Grâce à ce processus de trois ans, les hommes finissent par soutenir l’autonomisation des femmes et, ensemble, ils créent un changement systémique qui améliore radicalement la vie des femmes et des filles.
En 2009, ma famille et moi sommes allés rencontrer l’équipe de Tostan au Sénégal et visiter les villages que nous financions. Ce fut une expérience incroyable. Lorsque nous sommes arrivés dans le premier village, une foule de personnes nous a accueillis.
Le chef du village s’est empressé de nous dire :”Nous comprenons maintenant l’importance des droits humains. Comme nous savons qu’un homme n’a pas le droit de battre sa femme, nous avons dû discuter de ce que nous ferions si un homme battait sa femme et qu’elle décidait de le quitter. Nous avons décidé que nous devions soutenir la femme. Nous avons aussi mis fin aux mariages d’enfants et aux mariages forcés, et nous discutons de l’abolition complète de l’excision ». Fait intéressant, ça ne faisait que 8 mois que le programme Tostan (d’une durée de 3 ans) avait débuté dans ce village lorsque ces propos nous ont été dit.
Je n’avais jamais totalement saisi l’impact réel que je pouvais avoir dans le monde jusqu’à ce que je m’engage avec Tostan. Je n’avais jamais imaginé le regard de mes enfants en voyant à quel point notre soutien pouvait transformer des vies. Un village compte environ 800 personnes. Réaliser que nous
avions la possibilité de financer le programme Tostan dans 10 villages, ce qui changerait la vie de 8 000 personnes pour toujours – et qu’ils en toucheraient ensuite 8 000 autres, pour changer leur vie – était bien plus qu’enrichissant et valorisant. C’était réellement transformationnel.
Quinze ans plus tard, les communautés que nous avons financées continuent à défendre les droits des femmes et des filles et à progresser vers leurs objectifs communs. Le changement transformateur et durable auquel ma famille a pu contribuer est la raison pour laquelle nous continuons à soutenir Tostan, et pourquoi Tostan est le principal objectif de mon travail de bénévole.