Il y a quelques années, Yama Bathia a été victime de la violence domestique dans sa propre maison. Depuis ce jour, elle a travaillé avec acharnement pour créer un espace sécuritaire pour permettre la résolution des problèmes dans sa communauté de Bougnadou Manjaque et pour remettre en question les normes sociales néfastes, telles que l’excision. Lors d’une récente visite à Bougnadou Manjaque dans la région de Sédhiou au Sénégal, les agents de mobilisation sociale (AMS) de Tostan ont parlé personnellement à Yama de son expérience avec la violence et de la façon dont celle-ci a façonné sa vision de l’excision. Yama a accepté de partager son histoire dans l’espoir de sensibiliser les gens à la violence domestique et d’éduquer les autres sur les conséquences néfastes de l’excision.
Yama: Un jour d’hiver, après les pluies, je cultivais du riz dans un champ à cinq kilomètres de notre village. J’ai laissé ma fille en bas âge avec mon mari pendant que je travaillais dans les champs. Il y avait beaucoup de travail ce jour-là – le travail était dur – et j’ai dû marcher tout le long du chemin du retour. Je suis donc arrivée tard à la maison, vers 19 heures. Ma fille pleurait parce qu’elle avait faim et n’avait pas mangé depuis mon départ. Je suis sortie pour me laver avant de donner à manger à ma fille lorsque mon mari m’a trouvée, et il était très en colère. Il m’a frappée à plusieurs reprises, mais ma famille a entendu et a pu intervenir pour l’arrêter.
Quelques heures plus tard, j’étais toujours très en colère, mais j’ai demandé à ma famille de m’aider à organiser une rencontre entre mon mari et moi. J’ai d’abord parlé à mon mari, qui m’a expliqué qu’il m’en voulait d’avoir laissé notre fille sans personne pour l’allaiter. Je lui ai dit que j’étais désolée, mais qu’à l’avenir, nous allions devoir discuter de nos problèmes avec respect. Si nous ne parvenons pas à les résoudre, nous devons demander de l’aide à quelqu’un du village, mais la violence n’est jamais une solution.
AMS: Que s’est-il passé après cet incident ? Y a-t-il eu des violences dans votre communauté depuis lors ?
Yama: Après cet incident, mon mari s’est excusé et cela ne s’est jamais reproduit. Nous avons parlé de la violence, en particulier à l’égard des femmes et des filles, lors d’une grande réunion communautaire. Nous avons tous convenu que la violence n’est jamais acceptable et que nous allions essayer de créer un espace où les gens pourraient aller discuter et résoudre leurs problèmes. Parfois, ils s’adressent à leur famille, à un imam ou au conseil local du village, et parfois nous parlons ensemble en tant que communauté. Je ne pense pas que d’autres femmes aient subi des violences depuis lors. Notre village est petit, donc tout le monde a su ce qui m’était arrivé, et je pense que cela a changé la façon dont les gens abordent les conflits. Les gens ont compris que la violence n’est jamais une bonne solution et que la violence à l’égard des femmes est quelque chose que nous ne pouvons pas accepter.
Une réunion de Tostan dans le village de Yama, Bougnadou Manjaque.
AMS: Quel est le lien avec l’excision ? Considérez-vous cette pratique comme une forme de violence ?
Yama: Oui. Après l’incident avec mon mari, nous avons parlé davantage de la violence dans notre communauté et j’ai beaucoup réfléchi à la violence contre les femmes. J’ai réalisé que l’excision est une forme de violence, surtout à l’égard des filles. Elles ne consentent pas à subir cette pratique, et elles n’ont pas le choix d’être excisées. Je sais que cette pratique est très ancienne, qu’elle ne fait pas partie de l’Islam, et nous voyons maintenant qu’elle a de graves conséquences sur la santé. Dans notre village, des filles excisées ont déjà eu des problèmes de santé, mais nous les avons longtemps ignorées. Depuis que notre communauté a commencé à parler de la violence, en particulier de la violence à l’égard des femmes, il est plus facile d’aborder la question de l’excision. De plus, en participant aux cours de Tostan, nous avons vraiment commencé à comprendre que l’excision est une violation des droits humains et qu’elle bloque notre développement. Notre village a décidé d’abandonner complètement cette pratique et j’espère que d’autres villages suivront.
AMS: Que diriez-vous à d’autres personnes qui pratiquent l’excision ?
Yama: Je leur dirais que cette pratique cause beaucoup de problèmes aux femmes et aux filles, certains très graves et parfois même mortels. Je leur dirais que l’excision est une forme de violence contre les femmes et les filles et qu’elle viole nos droits humains. Je leur dirais que nous devons mettre fin à cette pratique ensemble afin d’améliorer notre santé, de développer notre communauté et de vivre plus en paix.
Photographies par Angela Rowe, Tostan.